Extension du champ d'application du permis de construire modificatif

Dans un arrêt rendu le 26 juillet 2022, le Conseil d’État assouplit les conditions d’utilisation du permis de construire modificatif, élargissant ainsi son champ d’application. En cela, la haute juridiction administrative rapproche le régime du permis de construire modificatif de celui du permis de construire de régularisation et clarifie les critères d’utilisation du permis de construire modificatif.
13:1230/08/2022
Rédigé par FFB Nationale

Initialement, l’esprit du permis de construire modificatif était d’offrir une certaine souplesse aux pétitionnaires, afin de leur permettre de faire évoluer leurs projets au gré de leurs envies et besoins. Dans cette logique, les permis modificatifs pouvaient être délivrés à condition que le permis de construire initial soit toujours valide, que la construction ne soit pas encore achevée et que les modifications ne remettent pas en cause « la conception générale du projet initial »(1). À défaut, le pétitionnaire devait redéposer intégralement un nouveau dossier de demande de permis de construire, au risque de perdre le bénéfice du premier permis et de voir son projet remis en cause par des changements de règles d’urbanisme.

 

D’origine jurisprudentielle, la notion « d’atteinte à la conception générale du projet initial » avait l’avantage d’être souple, mais s’avérait difficile à appréhender et restait relativement restrictive.

 

Un champ d'application étendu

 

L’arrêt du 26 juillet 2022 du Conseil d’État rompt avec cette jurisprudence et vient élargir le champ d’application du permis modificatif en remplaçant la notion « d’atteinte à la conception générale du projet » par celle de « bouleversement tel qu’il en changerait la nature même du projet ».

 

En l’espèce, un premier permis de construire avait autorisé en 2015 la construction de deux maisons et d’un appartement sur une même parcelle à Montreuil. En juin 2019, un permis modificatif avait été délivré pour un certain nombre de modifications (réunion des deux bâtiments initiaux en une seule construction avec un escalier couvert commun, surélévation d’une partie de la construction en rez-de-chaussée, ajout d’une terrasse de 4 m², remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois par deux murs en briques).

 

Les deux autorisations avaient été contestées par une voisine devant le Tribunal Administratif de Montreuil, qui avait rejeté ses demandes. La requérante s’était alors pourvue en cassation contre le jugement relatif au permis modificatif(2).

 

La question posée était ainsi de savoir si les modifications autorisées en 2019 entraient dans le champ d’application du permis modificatif, ou si un nouveau permis était en réalité nécessaire.

 

Faisant application de la notion de « bouleversement de la nature même du projet », le Conseil d’État estime que les changements autorisés ne nécessitaient pas l’obtention d’un nouveau permis et confirme la position du Tribunal Administratif :

 

« En premier lieu, l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. En relevant que les modifications apportées au projet objet du permis initial en cours de validité se bornaient à prévoir la jonction des deux bâtiments initiaux en une seule construction… un escalier couvert commun, la surélévation d’une partie de la construction en rez-de-chaussée… l’adjonction d’une terrasse d’une surface de plancher de 4 m², ainsi que le remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois par deux murs en briques et en estimant que ces modifications avaient pu faire l’objet d’un permis modificatif, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ».

 

Un champ d'application calqué sur celui du permis de régularisation

 

Cette solution s’aligne sur celle consacrée dans un avis du Conseil d’État du 2 octobre 2020(3) pour les permis de régularisation accordés en cours d’instance, en application des articles L 600-5 et L 600-5-1 du Code de l’urbanisme et tend à réunifier les champ d’application du permis de construire modificatif et du permis de régularisation.

 

Cet avis rappelait en effet qu’« un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».

 

L’analyse des décisions rendues dans la continuité de cet avis du 2 octobre 2020 nous permet de mieux apprécier la portée de la notion de « bouleversement tel qu’il changerait la nature du projet », applicable maintenant au permis modificatif.

 

Ont ainsi été considérées comme de tels bouleversements :

  • Une modification de la vocation d’un hangar autorisé destiné à abriter du matériel agricole en une vaste habitation d’une surface de plancher totale de 443 m2 (4) ;
  • Une régularisation qui, pour que le projet soit conforme au PLU, nécessitait de « modifier totalement l’implantation, la hauteur, la densité et la conception des bâtiments envisagés et de leur environnement, et de transformer en logements intermédiaires comprenant des logements sociaux un projet consistant initialement en la construction d’un ensemble de logements collectifs »(5).

 

(1) Conseil d’État, 1er octobre 2015, commune de Toulouse, n° 374338.
(2) La commune de Montreuil se trouvant en zone tendue, les décisions rendues en matière de permis de construire un bâtiment à usage principal d’habitation sur son territoire ne peuvent faire l’objet d’appel (article R 811-1-1 du Code de justice administrative).
(3) Conseil d’État, section, avis 2 octobre 2020, n°438318.
(4) Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3 mai 2022, n°20MA03438.
(5) Cour Administrative d’Appel de Lyon, 22 février 2022, n°21LY01006.

 

 

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