Dérogation aux règles de construction : le « permis de faire » est généralisé

Pour favoriser l'innovation technique et architecturale, le gouvernement a décidé de généraliser le permis de faire, qui n'était jusque-là qu'expérimental. Une formidable avancée. Voici, en résumé, les nouvelles modalités de délivrance du permis et de contrôle des opérations qui en bénéficient.
11:0026/12/2018
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 22 | Décembre 2018

Loi essoc résumé En 2016, la loi CAP 1 a mis en place, à titre expérimental, un dispositif permettant aux maîtres d'ouvrage de déroger à certaines règles de construction, afin de favoriser l'innovation. C'est le permis de faire.

 

Pour être autorisé à déroger à une règle, il faut pouvoir lui substituer une ou plusieurs solutions d'effet équivalent présentant un caractère innovant. Il s'agit de prouver que par des moyens différents on parvient au même résultat.

 

Jusqu'à présent, le champ d'application de ce dispositif était si restreint et la procédure d'instruction de la demande de permis de faire si lourde qu'aucun permis de ce type n'a été délivré.

La FFB a demandé que ce droit à dérogation puisse être utilisé par les maîtres d'ouvrage privés et puisse porter sur l'ensemble des règles de construction.

Elle a été entendue.

 

Permis de faire et loi Essoc

 

La loi Essoc 2 autorise ainsi le gouvernement à généraliser le permis de faire, par ordonnance 3. Une seconde ordonnance devrait être publiée, avant le 10 février 2020, pour aboutir à une écriture performantielle des règles de construction.

 

Le maître d'ouvrage, lors de la conception de son projet, pourra alors choisir :

  • soit d'appliquer des normes de référence fixées par l'Administration;
  • soit d'apporter la preuve qu'il parvient, par ses propres moyens, à des résultats équivalents à ces normes de référence.

Face à des règles de construction trop contraignantes, on peut utiliser un moyen innovant pour parvenir au même résultat.C'est la raison d'être du permis de faire.

 

On passe d'une culture de la règle à une culture de l'objectif. Cette ordonnance publiée, le dispositif du permis de faire n'aura plus de raison d'être et sera supprimé. En attendant, voici les modalités d'application du permis de faire.

 

Opérations éligibles au permis de faire

 

À l'origine, seules les opérations de construction d'équipements publics et de logements sociaux étaient concernées.

Désormais, des dérogations peuvent être sollicitées dans le cadre :

  • d'opérations de construction nécessitant une autorisation d'urbanisme (permis de construire, d'aménager, de démolir ou déclaration préalable);
  • de travaux soumis à autorisation préalable, sur les établissements recevant du public (ERP) et sur un immeuble classé au titre des monuments historiques.

 

Dispositions constructives visées au permis de faire

 

Initialement, le permis de faire permettait de déroger uniquement aux règles d'accessibilité et de sécurité incendie.

Aujourd'hui, le maître d'ouvrage peut demander à déroger aux dispositions concernant :

  • la sécurité et la protection contre l'incendie, pour les bâtiments d'habitation et les établissements recevant des travailleurs, en ce qui concerne la résistance au feu et le désenfumage;
  • l'aération;
  • l'accessibilité du cadre bâti;
  • la performance énergétique et environnementale et les caractéristiques énergétiques et environnementales;
  • les caractéristiques acoustiques;
  • la construction à proximité de forêts;
  • la protection contre les insectes xylophages;
  • la prévention du risque sismique ou cyclonique;
  • les matériaux et leur réemploi

 

Comment obtenir une autorisation derogatoire

 

Le maître d'ouvrage souhaitant déroger à une ou plusieurs réglementations précitées doit faire appel à un organisme compétent pour qu'il délivre une attestation d'effet équivalent. Cette attestation devra être annexée à la demande d'autorisation de travaux ou de construction.Le maître d'ouvrage devra la conserver pendant 10 ans à compter de la réception.

 

L'attestation devra valider :

 

  • le caractère équivalent des résultats obtenus par les moyens de substitution;
  • le caractère innovant de ces moyens;
  • les conditions de contrôle de la mise en oeuvre des moyens au cours de l'exécution des travaux;
  • les conditions d'exploitation et de maintenance du bâtimen.

 

Si l'organisme valide la solution proposée, il joint au rapport d'analyse, remis au maître d'ouvrage, une attestation d'effet équivalent.

 

Un décret désignera les organismes compétents, étant précisé que les contrôleurs techniques agréés pourront exercer cette activité. L'organisme choisi doit être totalement indépendant du maître d'ouvrage, des constructeurs ou du contrôleur technique. Il doit être publié avant février 2019.

 

Il doit justifier d'une assurance responsabilité civile couvrant l'activité relative à la délivrance de l'attestation d'effet équivalent. Une fois l'attestation d'effet équivalent obtenue, le maître d'ouvrage peut déposer sa demande d'autorisation d'urbanisme ou de travaux.

 

L'autorisation d'urbanisme ou de travaux donne automatiquement droit à mettre en oeuvre la ou les solutions d'effet équivalent. L'autorité qui délivre cette autorisation ne peut pas la refuser en raison des solutions d'effet équivalent proposées.

 

Elle n'a pas la possibilité de remettre en cause l'attestation d'effet équivalent.

Attention toutefois, lorsqu'il y a modification ou suppression d'une solution d'effet équivalent par le maître d'ouvrage, l'opération doit faire l'objet d'une demande de modification de l'autorisation d'urbanisme ou de l'autorisation de travaux.

 

En cas de non-réalisation de l'opération bénéficiant d'un permis de faire, le maître d'ouvrage doit informer l'autorité administrative lui ayant délivré l'autorisation d'urbanisme ou de travaux.

Vérification et contrôles du permis de faire

 

Les opérations bénéficiant d'un permis de faire font l'objet d'un contrôle de la bonne mise en oeuvre des solutions d'effet équivalent, jusqu'à l'achèvement des travaux.

 

Cette vérification est réalisée par un contrôleur technique, qui fournit au maître d'ouvrage une attestation de bonne mise en oeuvre des moyens utilisés par le maître de l'ouvrage, à annexer à la déclaration d'achèvement des travaux.

Ces opérations peuvent faire l'objet d'un contrôle du respect des règles de construction (CRC), par les services préfectoraux.

Ce contrôle peut avoir lieu en cours de chantier ou après l'achèvement des travaux, pendant un délai de six ans. Il porte sur la mise en oeuvre de la solution d'effet équivalent telle qu'autorisée.

 

Capitalisation d'intérêt

 

Un décret doit intervenir pour fixer les modalités relatives à la capitalisation et à la transmission à l'Administration des données des opérations ayant eu recours à une solution d'effet équivalent.

 

Assurance

 

La réalisation d'une opération bénéficiant d'un permis de faire ne devrait pas, en soi, avoir d'incidence sur son assurabilité. Les entreprises et maîtres d'ouvrage doivent se rapprocher de leur assureur en amont, en présence d'un permis de faire portant sur l'emploi de techniques dites « non courantes » (sans avis technique, hors DTU...).

 

Le permis d'innover, à titre expérimental, jusqu'en 2025

La loi CAP a créé un second outil expérimental pour faciliter la réalisation de projets de construction et favoriser l'innovation : le permis d'innover.

À la différence du permis de faire, il ne peut être délivré que dans le périmètre d'opérations d'intérêt national (OIN), de grandes opérations d'urbanisme (GOU) et d'opérations de revitalisation de territoire (ORT).

Dans ces secteurs, les maîtres d'ouvrage peuvent être autorisés à déroger aux règles applicables à leurs projets.

 

Un champ plus large que le permis de faire

 

Le permis d'innover permet de déroger à toutes les règles applicables, que celles-ci soient prévues par le Code de la construction et de l'habitation, le Code de l'urbanisme, le Code de l'environnement ou tout autre texte, alors que le permis de faire ne permet de déroger qu'aux règles de construction. Là encore, pour être autorisé à déroger, il faut prouver que par des moyens différents on parvient au même résultat.

 

Le maître d'ouvrage doit joindre à sa demande de permis de construire une étude de l'impact des dérogations proposées. Cette étude est soumise à un avis conforme :

  • de l'établissement public d'aménagement (EPA) ou de l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) géographiquement compétents ;
  • de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) si le projet concerne les J.O. 2024 ;
  • u, à défaut, du préfet.

 

Le permis de construire, une fois délivré, vaut approbation des dérogations demandées et donc permis d'innover. Cette expérimentation prendra fin en novembre 2025.

 

1 Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 - J.O. du 8 juillet 2016.
2 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 - J.O. du 11 août 2018.
3 Ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 - J.O. du 31 octobre 2018.

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