Le paiement des chantiers à l'étranger
Avant la réalisation de la prestation, il est primordial de s'assurer de son paiement. En effet, de nombreuses entreprises ont arrêté toute démarche à l'international en raison du non-paiement de travaux.
Pour se prémunir contre une telle situation, différents instruments et moyens de paiements existent tels que :
- l'assurance crédit, qui couvre l'entreprise en cas d'interruption du contrat ou de non-paiement de la prestation?;
- le crédit documentaire, moyen de paiement par lequel la banque du donneur d'ordre s'engage à payer la prestation à réception de certains documents.
En tout état de cause, votre banque est votre principal allié et pourra vous proposer des solutions adaptées.
Contrat chantier en pays étranger et droit applicable
La conclusion d'un contrat international, c'est-à-dire entre parties établies dans des pays différents, permet de prévenir les litiges.
En principe, les parties sont libres de choisir la loi applicable au contrat. Il est donc possible de choisir le droit français, le droit du pays du cocontractant ou le droit d'un pays tiers.
Toutefois, les « lois de police » ou « d'ordre public » du pays d'exécution des travaux s'appliquent impérativement. Il convient de se renseigner sur ces textes impératifs qui diffèrent d'un pays à l'autre.
Pour les prestations complexes, il existe des modèles de contrats proposés par la Fédération internationale des ingénieurs-conseils (FIDIC) et la Chambre de commerce internationale.
Les formalités douanières à l'exportation
L'expédition, en dehors de l'Union européenne, de marchandises et matériaux, mais aussi l'envoi des équipements et de l'outillage destinés à revenir une fois la prestation achevée sont soumis à des formalités douanières (déclaration d'exportation, exportation temporaire…). Celles-ci doivent être accomplies en France et dans le pays d'exportation avec, parfois, des droits de douane à acquitter.
Pour l'Union européenne, une déclaration d'échanges de biens (DEB) est nécessaire, tandis que les biens expédiés à titre temporaire dans un autre État membre pour les besoins de l'entreprise doivent être portés sur un registre (désignation des biens ou matériaux, quantités, lieu de destination, date du retour…).
D'autres formalités peuvent également être requises selon le pays d'intervention, en lien avec l'exécution des travaux, le respect des normes ou le détachement des salariés. Il convient de se renseigner en amont.
Le détachement des salariés
À la suite de l'obtention d'un contrat de prestation à l'étranger, il faut souvent envoyer les salariés dans le pays concerné pour l'exécution des travaux.
Comme il s'agit d'une prestation temporaire, le salarié peut bénéficier du statut du détachement, ce qui lui permet de rester affilié au régime français de sécurité sociale. Pour ce faire, l'employeur doit solliciter l'obtention préalable d'un certificat de détachement auprès de la caisse primaire d'assurance maladie dont il relève.
Parallèlement, il est nécessaire de prévoir les conditions pratiques du détachement : acheminement des salariés, conditions de séjour, prise en charge des frais… L'employeur peut verser des indemnités de grand déplacement à l'étranger, qui seront exonérées de charges conformément à un barème.
Enfin, il faut s'assurer du respect de la réglementation sociale locale, notamment en matière de salaires minimaux, de durée du travail, de périodes de repos ou de congés, de santé et de sécurité, etc.
Des formalités supplémentaires peuvent également être exigées dans le pays d'exécution des travaux, comme une déclaration de détachement.
Fiscalité et lieu d'exécution des travaux
L'exécution des travaux immobiliers dans un autre pays peut être soumise à la fiscalité locale.
Pour la TVA, une prestation se rattachant à un immeuble est soumise à celle du lieu d'exécution des travaux.
Dans certains États, un mécanisme d'autoliquidation s'applique lorsque le client est assujetti. La facture est alors établie hors taxe, avec la mention « autoliquidation », et le client verse la TVA due aux autorités fiscales du pays.
Dans d'autres pays, l'immatriculation à la TVA est obligatoire pour les entreprises non établies ou si le client n'est pas assujetti (client particulier, par exemple).
Il faut alors procéder à une immatriculation auprès des autorités fiscales locales, ce qui implique de facturer TTC au taux du pays, de déclarer et de verser la TVA perçue. Parfois, le recours à un représentant fiscal local est obligatoire.
En matière d'impôts sur les bénéfices, le chantier peut être soumis à l'impôt local ou à l'impôt français. Pour le déterminer, il faut se référer à la convention fiscale bilatérale signée par la France avec l'État de destination. Celle-ci indique à partir de quelle durée le chantier de construction est considéré comme un établissement stable. Dès le premier jour, à partir d'un mois, trois mois ou plus selon les cas, un chantier considéré comme établissement stable est imposé dans le pays de réalisation des travaux. À défaut, il est imposé en France.
En tout état de cause, il est recommandé de tenir une comptabilité spécifique au chantier réalisé à l'étranger.
Prospection et contexte géopolitique ou culturel
Lors de leur prospection ou selon les opportunités, les entreprises françaises privilégient parfois les pays francophones. Mais partager la même langue ne signifie pas partager la même culture, ni les mêmes règles, ni les mêmes pratiques. De telles différences peuvent être facteurs de succès ou d'échec lors d'une négociation commerciale.
Il faut aussi tenir compte du contexte géopolitique, sensible dans certains pays. Sanctions internationales, instabilité politique ou une période électorale tendue nécessitent d'être particulièrement vigilant.
Outre son site dédié aux « Conseils aux voyageurs », le ministère des Affaires étrangères français propose un dispositif (Ariane) permettant d'être informé en temps réel, notamment en cas d'événement majeur.
Thomas Vieweger
Gérant, expert Anaglyphe
Conservation et restauration d'œuvres d'art
2 salariés
Vienne
« Il faut proposer un produit, une prestation, une technique qui se distinguent des concurrents locaux. »
Créée en 2015, après 35 ans d'expérience, notre société est spécialisée dans la restauration d'œuvres d'art, du conseil et de l'expertise.
Compte tenu de la spécificité de notre métier, nous intervenons sur la France entière. Les monuments historiques à restaurer se trouvent dans le monde entier, alors l'ouverture vers l'international était pour moi une évidence.Nos expériences professionnelles précédentes ont orienté ce choix. Ainsi, dans les années 1990, en Croatie, j'ai participé à la reconstruction de Dubrovnik avec la restauration d'œuvres d'art, tout en apportant une expertise technologique et un savoir-faire inexistant et/ou peu développé sur place.
Aujourd'hui, nous avons un projet, en passe d'aboutir, en Argentine, et des contacts au Portugal et en Allemagne.Notre démarche consiste principalement à transférer notre savoir-faire et notre expertise auprès de partenaires locaux.
Comment trouvons-nous les opportunités de marchés et les contacts ? Nous nous appuyons sur notre réseau personnel,sur les organisations professionnelles (Grands Ateliers de France, section française de l'Institut international de conservation - SFIIC et la FFB). Le ministère des Affaires étrangères et/ou certaines des collectivités territoriales nous appuient aussi pour certaines formalités.
Quels conseils donner aux entreprises qui souhaitent se lancer dans l'aventure de l'export ? Il est double : premièrement,il faut être sûr de ses motivations, fier de son métier, de son engagement et donner envie aux clients de s'adresser à vous ; deuxièmement, et c'est peut-être le plus important, il faut proposer un produit, une prestation, un technique qui se distinguent des concurrents locaux.
Vincent Schaffner
Gérant
Schaffner
Métallerie fine, menuiserie métallique, ferronnerie d'art et escaliers sur mesure
45 salariés
Bas-Rhin
« La plus grosse difficulté est de se faire connaître. Ensuite, il ne faut surtout pas décevoir, parce qu’on est vite remplacé. »
Notre activité internationale a démarré dans la continuité de notre développement en région parisienne.
Plusieurs marchés prestigieux en lien avec des architectes nous ont ouvert la voie vers des clients internationaux,au travers de mises en relation. Pendant dix ans, Schaffner a réalisé, aux États-Unis, des chantiers exceptionnels,en sous-traitance pour le compte d'une entreprise française établie localement.
Mais nos premiers chantiers à l'export, en relation directe avec le client, ont été réalisés en Allemagne, en République tchèque, en Suisse et en Angleterre. Puis une opportunité s'est ouverte à nous à Dubaï, pour le compte d'un client particulier néo-zélandais. À la suite de ce chantier, nous avons décidé de développer notre activité aux Émirats arabes unis en nous appuyant sur un partenaire local, qui s'occupe de la commercialisation de nos produits,du transport et de la pose des ouvrages. Nous réalisons également le design de rampes en ferronnerie pour une marque française de luxe dans plusieurs boutiques en Asie.
Pour les chantiers à l'étranger hors Europe, notre entreprise effectue l'établissement du devis, la fabrication ainsi que les relevés.
Le prix est fixé au départ de l'usine. L'installation de la marchandise est effectuée par un prestataire local, qui bénéficie de l'expertise d'un de nos chefs d'équipe détaché sur place. Il est important de pouvoir s'appuyer sur un relais local pour les marchés lointains.
En Europe, nous détachons une équipe Schaffner pour la réalisation complète de la prestation. La plus grosse difficulté est de se faire connaître. Ensuite, il ne faut surtout pas décevoir, parce qu'on est vite remplacé.
Pascal André
Gérant, expert
Alpha Oméga Sécurité
Systèmes d'extinction automatique à gaz
3 salariés
Vienne
« Pour les marchés en relation avec l’Afrique, attention aux saisons. »
Notre expérience à l'international provient d'une opportunité qui s'est présentée à la suite de contacts avec d'anciens étudiants franco-togolais à Poitiers. L'un d'entre eux ayant développé une activité d'import-export avec le Togo nous a permis d'entrer en relation avec un client à Lomé.
Après deux ans de négociations (premiers contacts en 2015 et élaboration du dossier technique en 2016), nous avons installé des systèmes d'extinction automatique dans un central téléphonique à Lomé en 2017. Il s'agissait d'un gros chantier, avec près d'une vingtaine de bouteilles de gaz (représentant près de 100 kg de gaz)à installer.Aujourd'hui, nous en assurons la maintenance.
Nous intervenons en sous-traitance pour une entreprise française, qui se charge notamment de l'expédition des marchandises et de l'ensemble des formalités (administratives, douanières, logistiques…). Compte tenu de la taille de notre entreprise, cela a constitué un réel avantage.
Aujourd'hui, nous sommes de nouveau en pourparlers avec ce client togolais. Nous n'avons ni le temps ni les moyens nécessaires pour prospecter et obtenir d'autres contrats à l'étranger. Toutefois, nous sommes ouverts aux opportunités qui se présenteraient, principalement en sous-traitance.
Il m'est difficile de donner un conseil à une entreprise tentée par l'export en général. Mais, pour l'Afrique, même si ça peut paraître anecdotique, il faut faire attention aux saisons. Certaines périodes sont davantage propices aux travaux de construction, avec des températures supportables et moins de moustiques.