Droit de rétractation en cas de construction ou vente de logement
Le contenu est réservé à nos adhérents. Pour le consulter
2. Formalisme encadrant la notification par lettre recommandée
Ces dernières années, les juges ont précisé le formalisme encadrant la lettre recommandée notifiant l’acte signé pour lequel une rétractation est possible.
Il a ainsi été retenu qu’une LRAR adressée à deux époux coacquéreurs mais dont l’avis de réception ne porte la signature que d’un seul époux (et non des deux) ne fait pas courir le délai de rétractation pour celui qui n’a pas signé (Civ. 3ème, 9 juin 2010, n°09.14-503).
En cas de pluralités de clients dans le cadre d’un contrat, il est donc plus prudent de procéder à une notification à chaque client par lettre distincte (et non à une lettre unique de notification), sauf si l’avis de réception est signé par chacun d'eux ou si l'époux signataire était muni d'un pouvoir à l'effet de représenter son conjoint (donc, avait le droit de réceptionner les courriers pour lui)2.
3. Nouveautés jurisprudentielles
De nouvelles jurisprudences viennent renforcer la vigilance à avoir en matière de notification par LRAR.
En 2019, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’un agent immobilier ayant concouru à la signature et à la notification d’une promesse de vente devait vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l'avis de réception3.
La Cour de cassation renforce cette position dans un arrêt du 30 septembre 20214.
Dans cette affaire, chaque acquéreur avait reçu du notaire une LRAR leur notifiant une promesse de vente. Toutefois, ces deux courriers avaient été réceptionnés par un autre occupant du domicile qui avait signé les avis de réception. Les acquéreurs se sont rétractés deux mois plus tard.
En défense, le vendeur a considéré que cette rétractation était intervenue tardivement (au-delà du délai des 10 jours). Se posait donc la question de savoir si la réception de la LRAR par un tiers avait fait courir le délai de rétractation.
La Cour d’appel avait considéré que le tiers s’était présenté comme une personne mandatée en apparence par les acquéreurs auprès du facteur. Elle estimait que la règlementation n’imposait pas à l’expéditeur de la lettre de s’assurer de l’identité du signataire des avis de réception. Selon elle, les notifications étaient donc régulières et les acquéreurs s’étaient rétractés trop tardivement.
La Cour de cassation rejette cette solution en considérant que la notification par LRAR n’est régulière « que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet ».
En pratique, cette habilitation prend la forme d’un mandat, appelé communément procuration, qui doit être fait auprès de La Poste soit à titre général (pour tous les courriers reçus), soit à titre occasionnel (pour un courrier ou pour une durée limitée).
Or, dans cette affaire, les avis de réception ne portaient pas les signatures des acquéreurs et la personne qui avait réceptionné les lettres n’avait aucune procuration.
La notification n’était donc pas régulière et le délai de rétractation n’avait pas commencé à courir. Les acquéreurs étaient donc en droit de se rétracter deux mois plus tard.
Par ailleurs, dans une autre affaire (Civ. 3ème, 2 févr. 2022, n°20-23.468), la Cour de cassation a considéré qu’un simple mail envoyé au notaire par l’acquéreur, pour l’informer de l’exercice de son droit de rétractation, suffisait pour rendre la rétractation régulière dans le délai imparti de 10 jours.
En l’espèce, le notaire avait été mandaté par les vendeurs pour recevoir une éventuelle rétractation.
Cette décision est surprenante s’agissant d’un simple mail, sans authentification de son auteur et non d’un avis recommandé électronique qui lui a la même valeur qu’une LRAR postale. Mais la Cour a considéré que le formalisme de la rétractation avait été respecté dès lors que le notaire, officier public, a affirmé devant les juges avoir pris connaissance du mail dans le délai de 10 jours. Dans d’autres circonstances, il est probable qu’un simple mail ne remplirait pas aux yeux des juges des garanties équivalentes à celles d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
4. Conséquences pratiques pour les professionnels
Exit l’apparence, il faut désormais vérifier que la signature sur l’avis de réception correspond bien à celle de l’acte notifié !
Les professionnels doivent être rigoureusement vigilants vis-à-vis des avis de réception. A défaut, le délai de rétractation ne sera pas déclenché et l’opération (contrat préliminaire de VEFA, contrat de construction…) risquera, à tout moment, d’être l’objet d’une rétractation.
Ainsi, un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) signé devra être notifié à chaque client qui devra personnellement signer l’avis de réception.
Si le constructeur constate que la signature de l’avis n’est pas la même que celle du client figurant sur le contrat, il lui sera conseillé de procéder à une nouvelle notification ou de demander à avoir communication du pouvoir donné par le client au signataire.
Par ailleurs, si le notaire est mandaté pour recevoir la notification de la rétractation (par exemple dans le cadre d’un contrat préliminaire de VEFA), un mail de rétractation pourrait être envoyé par l’acquéreur jusqu’à la dernière minute et produire effet. Il convient donc de bien attendre le onzième jour après la première présentation de la lettre recommandée pour considérer le délai de rétractation purgé.
1 Civ. 3e, 26 janv. 2011, n°09-69.899
2 Civ. 3e, 9 juin 2010, n°09-14.503
3 Civ. 3e, 21 mars 2019, n°18-10.772
4 Civ. 3e, 30 sept. 2021, n°20-18.303
Contenu réservé aux adhérents FFB
- Profitez aussi de conseils et de soutien
Des services de qualité, de proximité, avec des experts du Bâtiment qui connaissent vos enjeux métier et vous accompagnent dans votre quotidien d'entrepreneur.
- Intégrez un réseau de 50 000 entreprises
La FFB est fière de représenter toutes les entreprises du bâtiment, les 2/3 de nos adhérent(e)s sont des entreprises artisanales.
- Bénéficiez des dernières informations
Recevez Bâtiment actualité 2 fois par mois pour anticiper et formez-vous aux évolutions des métiers ou de la législation.