Dans son discours de politique générale du 12 juin, le Premier ministre a annoncé vouloir mettre fin à la « déduction forfaitaire spécifique ». Cette mesure technique, glissée au détour d'une phrase, sans plus de précision, constituerait un cataclysme économique et social sans précédent pour notre profession.
De quoi s'agit-il?? Cela concerne l'abattement de 10 % relatif aux frais professionnels qui existe dans le BTP depuis 1931. Le supprimer revient à diminuer la paie nette des ouvriers, à augmenter l'assiette de cotisation et donc à réduire les allègements Fillon pour les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC.
Ce que le Premier ministre décrit comme une mesure de « justice sociale » représente en fait une hausse de charges de près de 20 points sur les salaires des ouvriers du bâtiment et des travaux publics?! Il s'agit donc d'une offensive contre le pouvoir d'achat de nos compagnons et la compétitivité de nos entreprises.
Cette entourloupe cache, en réalité, un calcul budgétaire pour financer la baisse d'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros promise à l'issue du grand débat. La suppression de la déduction se chiffrerait, pour notre seul secteur, à 1,35 milliard d'euros. Ajoutée à la fin annoncée du GNR (800 millions), cela revient à exiger de la profession qu'elle finance la moitié de la baisse d'impôt?!
De qui se moque-t-on??!
Dès qu'un secteur relève la tête, après des années de crise, pourquoi le premier réflexe des pouvoirs publics est-il de le matraquer?? La reprise actuelle ne saurait occulter la dégradation continue des marges et la concurrence féroce du détachement.
Le Premier ministre a raison de se féliciter que le taux de chômage soit au plus bas depuis 10 ans. Mais il oublie un peu vite que ce résultat il le doit pour beaucoup aux artisans et entrepreneurs du bâtiment?!
En trois ans, nous avons créé plus de 50 000 emplois. Croire que nous pourrions encaisser une telle hausse de charges et continuer sur la même lancée, c'est se tromper lourdement?! C'est sacrifier l'avenir de la profession et celui du pays à des arbitrages comptables de courte vue. Il est grand temps que le gouvernement ouvre les discussions et écoute les professionnels.
Jacques Chanut
Président de la Fédération Française du Bâtiment