Pétitions, menaces de grèves, tensions dans la majorité, tribunes dans la presse : la loi El Khomri - qui n'en est d'ailleurs qu'au stade d'« avant-projet » au moment où nous bouclons ce numéro - n'en finit pas de susciter la polémique.
À en croire ses détracteurs, ce projet de loi « social » constituerait un incroyable cadeau fait aux entreprises. On voudrait bien les croire, malheureusement la réalité est bien plus prosaïque.
Certes, dans sa version actuelle, ce projet apporte d'indéniables assouplissements en matière d'aménagement du temps de travail. Il propose une définition plus précise du licenciement économique et un encadrement des indemnités prud'homales. Pour préserver l'emploi, il permettrait d'augmenter le temps de travail sans augmenter le salaire mensuel… sous réserve de l'accord des syndicats de salariés représentatifs dans l'entreprise, chaque salarié pouvant ensuite refuser. Pour relancer l'apprentissage, il autorise une durée hebdomadaire du travail à 40 heures pour les apprentis mineurs, sans autorisation préalable de l'inspection du travail : une revendication de longue date de la FFB.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Elles n'ont rien de révolutionnaire, elles existent dans plusieurs pays européens qui depuis plusieurs années ont renoué avec l'activité et fait baisser le chômage.
En revanche, difficile de voir un cadeau pour les entreprises dans des principes tels que la possibilité accordée au salarié de rompre son CDI sans préavis ou la nouvelle obligation faite à l'employeur de « concilier vie professionnelle et vie personnelle » de ses salariés… Une de plus.
Difficile également de voir un cadeau dans la mise en place du « compte personnel d'activité » qui intègre « le compte pénibilité », alors même que la mise en oeuvre du compte reste d'une grande complexité pour le bâtiment…
Le texte propose, enfin, de favoriser le fait syndical et de privilégier les accords d'entreprise plutôt que ceux de la branche. Séduisante sur le papier, cette mesure peut s'avérer extrêmement pernicieuse dans un secteur composé de nombreuses TPE. En assurant les mêmes règles pour tous, l'accord de branche garantit une concurrence égale dans un environnement concurrentiel déjà très chahuté.
La « loi » El Khomri ne mérite ni diabolisation, ni enthousiasme excessif. Les débats parlementaires à venir nous diront si ce texte comporte de réelles avancées et s'avère, au final, plus qu'une simple tempête dans un verre d'eau.
Jacques Chanut
Président de la Fédération Française du Bâtiment