D’ici à 2030, la ville de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) sera desservie par deux lignes de métro du Grand Paris (ligne 11 en 2023 puis ligne 15 Est en 2030). Favorisée par cette perspective, la commune connaît depuis plusieurs années une croissance démographique soutenue. Pour y faire face, elle a notamment entrepris la construction rapide de plusieurs groupes scolaires. Si le programme de livraisons est serré, la ville tient néanmoins à proposer des équipements à très haute vertu environnementale. Le maître d’ouvrage, qui a la particularité de disposer d’une maîtrise d’œuvre intégrée, fait ainsi des choix constructifs très forts, fondés sur une approche écosystémique (voir encadré).
Ces principes se retrouvent dans le projet de construction du groupe scolaire de centre-ville Simone-Veil. De niveau passif, ce bâtiment en R+2 excelle également dans l’écoconception et la fabrication de ses structures en bois.
Des poutres treillis bois de grande portée
La structure intérieure du bâtiment est ainsi constituée de systèmes poteaux-poutres différenciés suivant les portées. « Pour les portées courtes à moyennes, nous avons utilisé des poutres en bois massif et des poutres clavetées. Mais pour les portées plus importantes, nous avons mis en œuvre des poutres en treillis, ce qui est très rare pour des structures en bois », précise Bruno Barthes, directeur opérationnel d’UTB (Union technique du bâtiment, Scop de 1 200 salariés à Romainville en Seine-Saint-Denis), mandataire du lot structure, enveloppe et menuiserie d’un groupement associant APIJ Bat Coopérative, une PME basée à Saint-Denis et spécialisée dans les travaux d’application de terre et de mise en paille de caissons.
Pourquoi cette conception ? « Le cahier des charges était clair : nous devions d’une part travailler avec des essences de bois locales, les charges et les portées excluaient l’usage de poutres massives, et nous devions d’autre part éviter d’utiliser des colles, ce qui interdisait de fait de recourir à des poutres en lamellé-collé », détaille Bruno Barthes. La mise en œuvre de la structure en treillis, ouvrageuse et complexe, était donc la seule à cocher toutes les cases.
Un débusquage par chevaux de trait
Autre originalité de l’opération : devant l’industrialisation des pratiques forestières, le maître d’ouvrage souhaitait qu’une partie des bois – la structure des deux préaux du groupe scolaire, en l’occurrence – provienne d’une forêt gérée en sylviculture douce. Ainsi, ces bois ont été choisis sur pied dans une forêt du Vexin et débusqués en traction animale pour limiter l’impact sur les sols forestiers. Ces 70 m3 de grumes de chêne ont ensuite été débités à proximité grâce à une scierie mobile, avant d’être pris en charge par des moyens logistiques plus « conventionnels ». « Pour nous comme pour le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, cette opération logistique réussie a constitué un “galop d’essai” pour un éventuel prochain projet ! » lance Bruno Barthes.
Autre défi : l’objectif était d’utiliser ce bois scié encore « vert ». « Habituellement, une fois coupé, le bois est ressuyé (séché) avant d’être mis en œuvre, afin de permettre à l’eau libre contenue dans les fibres de bois d’être évacuée. Sur ce projet, nous avons donc dû prendre en compte le fait que le bois devrait faire son retrait et vriller une fois en place. Afin que les pièces puissent travailler librement, les techniques d’assemblage que nous avons mises en œuvre sont moins “verrouillées” que celles que nous utilisons classiquement. »
La gestion fine de 500 modules enduits en partie préfabriqués
En complément des structures poteaux-poutres, les murs extérieurs à ossatures bois du groupe scolaire sont constitués de 500 modules avec remplissage paille, recouverts à l’intérieur d’un enduit en terre provenant des excavations du Grand Paris (finition terre-plâtre) formant pare-vapeur et, à l’extérieur, d’un enduit chaux-sable formant pare-pluie. « Afin d’accélérer les délais de mise en œuvre, l’enduit intérieur était appliqué en atelier. Cette préfabrication a nécessité la mise en place d’un protocole très précis », indique Bruno Barthes. Les caissons étaient d’abord couchés à plat par séries de dix sur des chariots dans l’atelier. Là, ils étaient remplis de paille puis enduits du mélange en terre crue avant d’être transportés à l’intérieur d’une étuve où ils passaient la nuit pour que l’enduit sèche. Le matin, ils étaient relevés en position verticale à l’aide d’une grue mobile dans des racks spécialement conçus – « l’opération était délicate car chaque caisson pesait entre 1,2 et 2 tonnes » – avant d’être chargés dans un camion surbaissé puis transportés sur le site du chantier pour être assemblés. « Notre cotraitant et nous fabriquions une dizaine de modules par jour et nous en livrions autant sur site : nous disposions d’un stock tampon d’une trentaine de murs afin de pouvoir assurer en permanence les cadences de pose, souligne Bruno Barthes. La gestion logistique n’était ainsi pas une mince affaire, d’autant qu’il fallait s’assurer sur toute la chaîne que les caissons soient à l’abri des intempéries. »
Notifié fin juillet 2019, le chantier a pu être livré début septembre 2021, en tenant compte de délais supplémentaires liés à la crise sanitaire du Covid-19.