Travaux sur un bâtiment existant - la décennale, ce n’est pas automatique

Le 21 mars, la Cour de cassation s’est prononcée sur les garanties applicables en cas d’installation d’éléments d’équipement (chaudière, poêle à bois…) sur un bâtiment existant. Alors que les juges retenaient jusqu’à présent que ces travaux relevaient du champ de la garantie décennale, on revient désormais à la solution, plus juste, de la responsabilité contractuelle non soumise à l’assurance obligatoire du constructeur. Explications.
8:1124/05/2024
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 9 | mai 2024

Ce que dit la loi

 

La loi prévoit que la garantie décennale est due par tout constructeur d’un ouvrage. Cela suppose des travaux d’une certaine ampleur, notamment en cas d’intervention sur un bâtiment existant.

Dès lors, l’entreprise qui se limite à adjoindre un élément d’équipement à un ouvrage existant ne devrait logiquement pas être redevable de la garantie décennale. C’est ainsi que se positionnait la Cour de cassation en 2017.

 

En 2017, un revirement de jurisprudence

 

Or, depuis l’arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence : après le dysfonctionnement d’une pompe à chaleur installée dans une maison, les propriétaires ont exercé un recours contre l’installateur. Dans cette affaire, les juges ont affirmé que « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ».

 

Le 26 octobre de la même année, ils sont allés plus loin en retenant que la décennale due par l’installateur s’étendait à l’ensemble des dommages causés à l’existant (et non seulement aux dommages subis par l’équipement). Le champ de la décennale se retrouvait donc très largement étendu.

 

Justification de la position prise à l’époque

 

La Cour de cassation justifie sa position de l’époque par la nécessité de clarifier le droit applicable (en ne distinguant plus les garanties applicables selon que l’élément d’équipement était d’origine ou seulement adjoint à l’existant) et par une volonté d’assurer une meilleure protection des maîtres d’ouvrage.

 

Mais ces évolutions n’étaient pas sans conséquences pour les professionnels du bâtiment.

 

Outre le fait – déjà très contestable – que des entreprises pouvaient se retrouver débitrices de la garantie décennale dans un cadre non prévu par les textes, cette solution revenait à mettre en place une décennale, que certains ont pu qualifier de « rechargeable », à chaque installation d’un équipement (pour peu que le sinistre trouve sa source dans cet élément).

 

En 2024, la Cour de cassation évalue la pertinence de sa position

 

Les nombreuses critiques formulées à l’encontre de cette solution ont conduit la Cour de cassation à s’interroger sur la pertinence de sa jurisprudence. C’est ce qu’elle a fait dans une affaire tranchée le 21 mars dernier.

 

Une entreprise avait procédé à l’installation d’un insert de cheminée dans une maison. Un incendie est survenu, occasionnant la destruction de l’habitation et de l’intégralité des meubles et effets qui s’y trouvaient.

 

Les juges se sont de nouveau interrogés sur les garanties applicables dans ce contexte. Les dommages devaient-ils (conformément à la solution de la Cour de cassation applicable depuis 2017) être pris en charge au titre de la décennale ou était-il préférable de réorienter la jurisprudence ?

 

La FFB consultée et entendue

 


Soucieuse de tenir compte de la pratique, la Cour de cassation a consulté les acteurs de l’assurance et de la construction pour connaître les impacts des décisions rendues en 2017.

 

Interrogée, la FFB a pu dénoncer le manque de lisibilité de cette jurisprudence pour les professionnels, la solution ayant d’abord été appliquée à l’ensemble des éléments d’équipement (y compris inertes, comme le carrelage) pour ne finalement concerner que les éléments d’équipement appelés à fonctionner (inserts, chaudières, pompes à chaleur…).

 

Elle a également fait valoir que la position des juges générait un surcoût non nécessaire pour les entreprises, celles-ci étant contraintes de s’assurer en décennale pour des travaux qui ne relevait jusqu’alors pas de cette garantie.

 

Elle a rappelé que les victimes de désordres trouvant leur origine dans un élément d’équipement adjoint à un ouvrage existant étaient, dans la majorité des cas, déjà assurées via leur assurance multirisque habitation ou locaux professionnels et qu’un recours restait possible, le cas échéant.

 

Pour la FFB, l’abandon pur et simple de la jurisprudence de la Cour de cassation correspondait à l’esprit et à la lettre de la loi Spinetta. Une telle solution apporte également des garanties pour l’équilibre du système décennal, sans remettre en cause la nécessaire protection de la victime.

 

La FFB se félicite de cette décision, mais rappelle aux entreprises l’importance de vérifier qu’elles sont assurées tant en responsabilité civile contractuelle qu’en décennale.

 

Les arguments de la FFB ont convaincu les magistrats.

 

Dans l’affaire soumise à son examen, la Cour de cassation a décidé de revenir à l’application de la lettre du Code civil :

 

  • soit les travaux réalisés sur existant sont suffisamment importants pour être qualifiés d’« ouvrage » et la garantie décennale est due par les constructeurs ;
  • soit ce n’est pas le cas et la décennale doit être écartée.

 

Si les travaux ne constituent pas un ouvrage, la Cour de cassation nous indique désormais qu’ils « ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».

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