Retenue de garantie - quelles différences en marchés publics ou privés ?

Que ce soit en marché public ou privé, le maître d’ouvrage peut prévoir une retenue de garantie dans le contrat, qui peut considérablement impacter la trésorerie des entreprises. Or, son objet, son montant ainsi que les conditions de sa libération varient selon la nature du marché. Les entreprises doivent donc redoubler de vigilance pour éviter les écueils liés aux différences de règlementation. Décryptons ensemble ces distinctions essentielles.
13:1210/04/2025
Rédigé par FFB Nationale

Quel cadre juridique ?

En marchés privés, les règles relatives à la retenue de garantie sont fixées par la loi du 16 juillet 19711, qui est d’ordre public. Cela signifie qu’il est impossible de prévoir contractuellement des dispositions qui dérogent à cette loi.

 

En marchés publics, la retenue de garantie est régie par le Code de la commande publique2. Ces dispositions sont également impératives.

 

Attention : les dispositions relatives aux marchés publics sur la retenue de garantie ne s’appliquent ni aux contrats de sous-traitance, ni aux marchés des acheteurs privés de la commande publique (ESH, SPL, SEM, entreprises publiques), qui restent régis par la loi du 16 juillet 1971.

 

La retenue de garantie est-elle obligatoire ?

 

En marchés publics comme en marchés privés, la retenue de garantie n’est pas obligatoire. Elle doit être prévue au contrat. Elle ne s’appliquera donc que si elle est effectivement prévue au contrat.

 

En marchés privés, l’article 1er de la loi du 16 juillet 1971 prévoit que « les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l’article 1779-3° du Code civil peuvent être amputés d’une retenue égale au plus à 5 % de leur montant et garantissant contractuellement l’exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l’ouvrage ».

 

En marchés publics, le Code de la commande publique indique que « lorsque le marché prévoit une retenue de garantie, celle-ci est remboursée dans un délai de trente jours à compter de la date d’expiration du délai de garantie3 ». Ainsi, si rien n’est prévu au contrat, le maître d’ouvrage ne peut imposer à l’entreprise une retenue de garantie.

 

Quel est l’objet de la retenue de garantie ?

 

En marchés privés, la retenue de garantie a pour seul objet de couvrir le maître d’ouvrage en cas de défaillance de l’entreprise dans la levée des réserves à la réception. Ainsi, seules les réserves inscrites sur le procès-verbal de réception (ci-après, PV de réception) sont concernées par la retenue de garantie. Celle-ci ne couvre donc pas l’abandon de chantier, les pénalités de retard ou encore les désordres signalés pendant le délai de garantie de parfait achèvement.

 

En marchés publics, l’objet de la retenue de garantie est plus large qu’en marchés privés. En effet, ici elle sert non seulement à couvrir les réserves mentionnées sur le PV de réception, mais également les désordres signalés pendant le délai de garantie de parfait achèvement, qui est d’un an à compter de la réception des travaux.

 

Attention : le maître d’ouvrage public peut décider de prolonger le délai de garantie de parfait achèvement, si les réserves signalées n’ont pas été levées pendant le délai d’un an.

 

Cette faculté est prévue par l’article 44 du CCAG-Travaux, qui prévoit que « si, à l’expiration du délai de garantie, le titulaire n’a pas procédé à l’exécution des travaux et prestations énoncés à l’article 44.1 ainsi qu’à l’exécution de ceux qui sont exigés, le cas échéant, en application de l’article 39, le délai de garantie peut être prolongé par décision du maître d’ouvrage jusqu’à l’exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par le titulaire ou qu’elle le soit d’office conformément aux stipulations de l’article 41.6 ».

 

Quel est le montant de la retenue de garantie ?

 

En marchés privés, le montant de la retenue de garantie ne peut excéder 5 % du montant du marché. Toute clause contractuelle prévoyant un montant supérieur est considérée comme nulle. De plus, le marché ne peut prévoir une autre retenue ayant le même objet que la retenue de garantie, afin d’éviter de contourner le seuil légal imposé.

 

En marchés publics, le montant de la retenue de garantie est également fixé à 5 % du montant du marché.

 

Toutefois, lorsque le titulaire du marché public est une petite ou moyenne entreprise (PME) mentionnée à l’article R. 2151-13, le taux de la retenue de garantie ne peut excéder 3 % pour les marchés publics passés par :

  • l’État ;
  • les établissements publics administratifs de l’État (hors établissements publics de santé) ayant des charges de fonctionnement supérieures à 60 millions d’euros dans l’avant-dernier exercice ;
  • les collectivités territoriales, leurs établissements publics et groupements ayant des dépenses de fonctionnement supérieures à 60 millions d’euros dans l’avant-dernier exercice.

 

À noter : les entreprises peuvent vérifier si leur maître d’ouvrage est concerné en consultant le budget sur le site du ministère de l’Économie et des Finances : https://www.economie.gouv.fr/cedef/chiffrescles-budgets-collectivites-locales.

 

Par quoi l’entreprise peut-elle remplacer la retenue de garantie ?

 

En principe, en marchés privés et publics, la retenue de garantie est prélevée par fractions sur les acomptes, les règlements partiels définitifs et le solde.

 

Toutefois, l’entreprise peut décider de remplacer la retenue par une caution bancaire, afin de ne pas grever sa trésorerie. Sur ce point encore, des différences existent selon la nature du marché.

 

En marchés privés, la retenue de garantie peut être remplacée, au gré de l’entreprise, par une caution personnelle et solidaire à tout moment4.

 

Ainsi, le maître d’ouvrage ne peut imposer à l’entreprise un autre type de caution, comme la garantie à première demande, et ne peut également lui imposer de fournir cette caution à une date déterminée. L’entreprise est libre de choisir la date à laquelle elle fournit la caution.

 

Ainsi, si elle décide de la fournir en cours d’exécution pour l’ensemble du marché, le maître d’ouvrage devra lui restituer les sommes prélevées sur les situations antérieures.

 

Attention : lorsque la retenue de garantie n’est pas cautionnée, le maître d’ouvrage doit consigner les sommes prélevées auprès d’un tiers accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce selon que le marché est conclu avec un maître d’ouvrage particulier ou professionnel.

 

Le maître d’ouvrage ne peut garder les sommes. La consignation constitue une garantie pour l’entreprise, lui assurant la restitution des sommes à l’expiration du délai de parfait achèvement. L’entreprise ne doit pas hésiter à rappeler au maître d’ouvrage son obligation de consigner les sommes retenues.

En marchés publics, la retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande. Elle est apportée par un organisme (une banque, généralement), qui s’oblige à payer le montant garanti au maître d’ouvrage, sans contestation possible, dès la première demande. L’entreprise peut également, mais seulement si le maître d’ouvrage ne s’y oppose pas, remplacer la retenue de garantie par une caution personnelle et solidaire 5.

 

La garantie à première demande ou la caution personnelle et solidaire sont établies selon un modèle fixé par arrêté du 3 janvier 2005 et repris dans les formulaires NOTI7 et NOTI8 diffusés par le ministère de l’Économie.

 

À noter : en marchés publics comme en marchés privés, lorsque l’entreprise remplace la retenue de garantie par une caution, le maître d’ouvrage ne peut plus pratiquer de retenue sur ses paiements, sauf si d’autres retenues contractuelles sont prévues (retenue pour remise de documents, retenue de bonne fin…). L’entreprise est donc en droit d’obtenir le paiement intégral de ses travaux.

 

Quelle différence entre la garantie à première demande et la caution personnelle et solidaire ?

 

La garantie à première demande est un engagement pris par un tiers (souvent une banque ou une compagnie d’assurances) de payer une certaine somme d’argent au créancier dès que celui-ci en fait la demande, sans avoir besoin de prouver un manquement de l’entreprise concernée.

 

En d’autres termes, dès que la demande est faite, le créancier obtient le paiement sans délai ni justification de faute de la part du débiteur.

 

À l’inverse, la caution personnelle et solidaire est un engagement pris par un établissement bancaire qui vise à garantir le paiement d’une somme d’argent au maître d’ouvrage en cas de défaillance de l’entreprise. Si l’entreprise ne respecte pas ses engagements, le maître d’ouvrage peut mobiliser la caution. Toutefois, dans ce cas, le maître d’ouvrage devra généralement prouver que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations, ce qui n’est pas nécessaire pour la garantie à première demande.

 

Quand et comment libérer la retenue de garantie, la garantie à première demande ou la caution ?

 

En marchés privés, la retenue de garantie (ou la caution personnelle et solidaire qui la remplace) doit être libérée un an après la réception des travaux, sauf si le maître d’ouvrage a notifié son opposition par lettre recommandée à la caution ou au consignataire, en raison de l’inexécution des travaux de levée des réserves à la réception 6.

 

Passé ce délai d’un an, le maître d’ouvrage ne peut plus s’opposer à la libération de la retenue de garantie, même si les réserves n’ont pas été levées.

 

Ainsi, les banques ne peuvent pas exiger des entreprises le procès-verbal de levée des réserves pour débloquer la caution, car seule une opposition formelle du maître d’ouvrage dans le délai imparti peut empêcher sa libération.

 

Seul le PV de réception pourra être exigé, car il permet seul de décompter le délai de garantie d’une année, à l’expiration duquel la retenue de garantie ou la caution bancaire sont libérées.

 

Attention : l’opposition abusive du maître d’ouvrage peut entraîner sa condamnation à payer des dommages-intérêts à l’entreprise. La seule opposition légitime est l’absence de levée des réserves à la réception.

 

De même, un maître d’ouvrage qui n’a pas informé l’entreprise de sa volonté de ne pas libérer la retenue se retrouve dans l’impossibilité de la retenir au-delà du délai légal.

 

En marchés publics, la retenue de garantie (ou la caution qui la remplace) est libérée un an et un mois après la réception des travaux, sauf si des réserves ont été notifiées à l’entreprise et qu’elles n’ont pas été levées pendant ce délai. Dans ce dernier cas, la retenue est libérée un mois après la levée des réserves 7.

 

Ainsi, en marchés publics, le PV de levée de réserves pourra être exigé pour libérer la retenue ou la caution.

 

Attention : l’entreprise doit demander rapidement la libération de la retenue de garantie, car ce sont des sommes qui lui sont dues. Ne pas libérer la retenue de garantie, la garantie à première demande ou la caution peut poser des problèmes de trésorerie non négligeables et les lignes de caution de chaque entreprise ne sont pas extensibles.

  1. Loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à règlementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du Code civil.
  2. Articles R. 2191-32 à R. 2191-42 du Code de la commande publique.
  3. Article R. 2191-35 du Code de la commande publique.
  4. Article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du Code civil.
  5. Article R. 2191-36 du Code de la commande publique.
  6. Article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à règlementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du Code civil.
  7. Articles R. 2191-35 et R. 2191-42 du Code de la commande publique.

Récapitulatif des distinctions entre marchés publics et privés sur la retenue de garantie

 


Marché privé - Loi du 16 juillet 1971
Marché public - Code de la commande publique
Objet   Réserves inscrites sur le PV de réception • Réserves inscrites sur le PV de réception
• Réserves signalées pendant le délai de garantie de parfait achèvement (GPA)
Montant  5 % maximum • 5 % maximum
• 3 % pour les marchés passés par des PME avec l’État et certaines grosses
collectivités et établissements publics
Remplacement
 Caution personnelle et solidaire
(au choix de l’entreprise)
• Garantie à première demande (au choix de l’entreprise)
• Caution personnelle et solidaire (avec l’accord du maître d’ouvrage)
Libération
1 an après la réception des travaux 1 an et 1 mois après la réception des travaux
Conditions de libération  Opposition motivée du maître d’ouvrage Levée des réserves notifiées à la réception ou pendant le délai de GPA

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