Flambée des prix des matières premières : surcoûts et difficultés d’approvisionnement en marchés privés, comment réagir ?

Face à la hausse des prix des matières premières, comment faire appliquer une clause de variation des prix, comment négocier, obtenir une indemnisation du maître d’ouvrage privé ? Voici quelques recommandations utiles.
8:1618/05/2022
Rédigé par FFB Nationale
revue
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Batiment Actualité Numéro 9 | Mai 2022

Faire face aux surcoûts

 

Étape 1 : Analysez votre document contractuel (marché, devis, CCAP, contrat…)

 

Votre document contractuel prévoit-il des clauses de variation des prix adaptées ?

Actualisation des prix : vérifier si une disposition de votre document contractuel prévoit une clause d’actualisation. Si oui : l’index est-il adapté aux prestations ? Quel délai d’actualisation ?

Révision des prix : vérifier si les modalités de révision sont pertinentes : périodicité de la révision (mensuelle ou annuelle) ? Index choisis adaptés ? etc.

 

Étape 2 : Négociez l’insertion d’une clause de révision des prix

En marchés privés, il est possible, en cours d’exécution, d’intégrer une clause de révision des prix. Négociez- la avec le maître d’ouvrage privé.

 

Étape 3 : Négociez une indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision

Si les clauses de révision ou d’actualisation sont inexistantes, ou si elles ne suffisent pas à intégrer les surcoûts, vérifiez si votre document contractuel contient une clause permettant d’appliquer l’imprévision 1.

Le document contractuel prévoit une clause d’imprévision

Certains documents contractuels prévoient une clause spécifique pour l’imprévision.

C’est le cas de l’article 9.1.2 de la norme Afnor NF P03-001 Cahier des clauses administratives applicable aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés 2 : « si un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du marché, rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du marché à son cocontractant. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties conviennent de recourir à une conciliation ou à une médiation conformément au paragraphe 21.2 du présent document préalablement à toute action en justice ou procédure d’arbitrage. »

 

Le document contractuel ne prévoit pas une clause d’imprévision

Si c’est votre cas, et si le document contractuel ne l’exclut pas, demandez au maître d’ouvrage privé une renégociation du prix du marché en invoquant la théorie de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil 3.

 

Le document contractuel comprend une clause d’acceptation des risques par l’entreprise

Votre document contractuel prévoit une clause précisant que vous acceptez les risques liés aux potentiels surcoûts.

Invoquez la théorie de l’imprévision sur le fondement de l’article 1195 du Code civil, en mettant en avant les préconisations de la circulaire du Premier ministre relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières, du 30 mars 2022 : « 5. Le traitement de difficultés analogues dans les contrats de droit privé. Si des entreprises venaient à signaler à vos services les mêmes difficultés dans l’exécution de leurs contrats de droit privé, l’article 1195 du Code civil prévoit, pour ces contrats conclus depuis le 1er octobre 2016, une obligation de principe, analogue à la théorie de l’imprévision, de tirer les conséquences du bouleversement de l’équilibre économique du contrat par une renégociation du contrat entre les parties ou par une modification ou une résiliation par le juge. Cette disposition du Code civil n’étant pas d’ordre public, elle peut avoir été contractuellement aménagée ou écartée. Toutefois, compte tenu des circonstances exceptionnelles actuelles, les parties peuvent convenir de neutraliser une telle clause limitative dans une logique de répartition des aléas économiques. »

Dans de nombreux cas, la révision des prix permettra, mieux que l’actualisation, d’intégrer les surcoûts.

Faire face aux difficultés d’approvisionnement

 

Étape 1 : Analysez votre document contractuel

Votre document contractuel prévoit un plafonnement des pénalités de retard

L’article 9.5 de la norme Afnor NF P03-001 prévoit un plafonnement des pénalités de retard à 5 % du montant du marché : « sauf stipulation différente, il est appliqué, après une mise en demeure, une pénalité journalière de 1/3 000 du montant du marché. Le montant des pénalités est plafonné à 5 % du montant du marché 2. »

 

Votre document contractuel prévoit une clause permettant de suspendre le marché en cas de circonstances imprévisibles ou de force majeure

Dans ce cas, vous pouvez vous prévaloir de celle-ci pour demander une suspension du marché en cas de difficultés d’approvisionnement.

 

Si rien n’est prévu dans le contrat, négociez une exonération des pénalités de retard auprès du maître d’ouvrage privé.

 

Étape 2 : Négocier une exonération des pénalités de retard

Informez le maître d’ouvrage le plus tôt possible

Dès le retard constaté, écrivez un courrier recommandé avec avis de réception (RAR) au maître d’ouvrage (avec copie au maître d’œuvre) pour demander une exonération des pénalités de retard.

 

Contestez les pénalités de retard

Si le maître d’ouvrage refuse et décide d’appliquer les pénalités de retard, contestez-les par courrier RAR en démontrant que le retard est dû à une cause extérieure à votre entreprise, qui a tout mis en œuvre pour approvisionner les matériaux en temps et en heure.

 

Invoquez la force majeure sur le fondement de l’article 1218 du Code civil

En cas de retard conséquent, ou d’impossibilité totale de s’approvisionner, vous pouvez invoquer la force majeure afin d’obtenir la suspension, voire la résiliation, du marché.

 

Votre entreprise ne pourra se voir appliquer plus de 5 % de pénalités.

... Et en marchés publics ?

 

Une circulaire du Premier ministre du 30 mars dernier a rappelé aux maîtres d’ouvrage de l’État les leviers à actionner en marchés publics :

  • l’insertion d'une clause de révision des prix dans tous les contrats de la commande publique à venir ; 
  • les possibilités permises par le Code de la commande publique de modifier les contrats en cours ; 
  • les conditions d’application de l’imprévision (le bouleversement de l’économie du contrat existe lorsque l’augmentation du coût d’exécution des prestations atteint 1/15 du montant initial HT du marché ou de la tranche) ; 
  • le gel des pénalités contractuelles.

 

La FFB publie un mémento sur les clauses de variation de prix

 

Pour aider les entreprises dans leurs demandes de clauses de variation de prix, devenues indispensables dans un monde qui renoue avec une inflation durable, la FFB publie un mémento didactique.

 

Il est constitué de trois parties :

  • un rappel sur les variations de prix et des clauses types prêtes à l’emploi pour tous les marchés (publics, privés, CCMI, VEFA et sous-traitance). Un exemple permet aussi d’illustrer la mise en œuvre d’une clause de révision ;
  • une description détaillée de la composition et de l’usage des index BT et TP ; 
  • des éléments de négociation et des courriers types à adresser aux maîtres d’ouvrage pour justifier les demandes.
    Cette dernière partie comprend aussi des alternatives à l’indexation, qui peuvent être mises en œuvre sur des marchés déjà signés : variantes techniques, délégation de paiement fournisseur, etc.

 

Contactez votre fédération

Elle tient à votre disposition des courriers types permettant la demande du partage des surcoûts et une exonération des pénalités de retard.
  1. Article 1195 du Code civil. 
  2. La norme de décembre 2017 s’applique si elle est citée comme document contractuel. 
  3. « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

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