Sous-traitance de pose : une pratique légale

La sous-traitance de pose est autorisée dès lors qu’une véritable relation commerciale entre les deux entreprises est établie, le sous-traitant conservant son autonomie pendant l’exécution des travaux. Quelques précautions sont nécessaires pour limiter la requalification en prêt de main-d'œuvre ou en contrat de travail.
8:3329/06/2022
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 12 | Juin 2022

La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et le Code de la commande publique n’interdisent pas la sous-traitance de pose.

 

Lorsque l’entreprise veut sous-traiter la pose de matériaux, elle doit être vigilante, car il existe un risque de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ou en prêt de main-d'œuvre si le sous-traitant exécute les travaux en situation de subordination vis-à-vis de l’entreprise principale.

 

Pour que la sous-traitance de pose soit régulière, le sous-traitant doit agir en toute indépendance en conservant l’initiative de ses décisions, la gestion de son activité et la direction de son personnel.

 

Sous-traitance de pose : ce que disent les tribunaux

 

La sous-traitance de pose est reconnue dès lors que le sous-traitant exécute une tâche définie

 

Ainsi, des travaux de pose de parpaings en ciment confiés par une entreprise de maçonnerie à un sous-traitant ne constituent pas une opération de prêt de main-d'œuvre à but lucratif, dès lors que le sous-traitant était chargé d’exécuter une tâche définie précisément dans le contrat de sous-traitance et qu’il dirigeait lui-même ses salariés sur le chantier 1.

 

Le sous-traitant doit diriger et encadrer seul ses salarié

 

La fonction de direction et d’encadrement des salariés, qui ne peut être exercée que par le sous-traitant employeur ou son chef d’équipe, doit être distinguée de la fonction de coordination et de contrôle que l’entrepreneur principal, responsable à l’égard du maître d’ouvrage, doit exercer sur le sous-traitant 2.

La sous-traitance de capacité n’est pas nécessairement suspecte ou interdit

 

La sous-traitance de capacité n’est pas nécessairement suspecte au regard de la réglementation du prêt de main-d'œuvre 3. Il n’y a donc pas un prêt illicite de main-d'œuvre en présence d’un contrat de sous-traitance précis et rémunéré forfaitairement 4.

Dans une foire aux questions sur la sécurité juridique des contrats de sous-traitance dans le BTP, le ministère du Travail indique 5

 

« Je prévois de fournir le matériel ou les matériaux. Serai-je poursuivi pour avoir eu recours à un faux travailleur indépendant ?

 

Non, pas de ce seul fait, s’agissant du matériel ou du gros outillage (grues, échafaudages…) qui peuvent faire l’objet d’une mise à disposition entre les entreprises du chantier. De même, la fourniture des matériaux n’est pas en soi interdite dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, elle peut notamment être prévue si vos matériaux sont très spécifiques ou nécessitent des investissements trop lourds au regard de la prestation. »


 

Précautions à prendre pour éviter la requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ou en prêt illicite de salariés

 

1. Respecter la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et le Code de la commande publique

Ces textes imposent notamment à l’entreprise principale de faire accepter et agréer son sous-traitant par le maître d’ouvrage et de lui fournir une garantie de paiement. Pour les sous-traitants ne bénéficiant pas du paiement direct, cette garantie prendra la forme soit d’une caution bancaire, soit d’une délégation de paiement du maître d’ouvrage.

 

2. Vérifier la régularité de la situation du sous-traitant

Il convient de demander au sous-traitant, lors de chaque commande d’un montant au moins égal à 5 000 € HT, et tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat :

  • l’attestation de fourniture des déclarations sociales et du paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale émanant de l’Urssaf et datant de moins de six mois ; 
  • une copie de la carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers
    ou
    une copie de l’extrait de son inscription au registre du commerce et des sociétés (extrait K ou K bis)
    ou
    un récépissé de dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription ; 
  • en cas d’emploi de salariés étrangers, une liste nominative précisant, pour chaque salarié, sa date d’embauche, sa nationalité ainsi que le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail ; 
  • en cas de détachement, et avant tout début du détachement, une copie de la déclaration de détachement transmise à l’administration du Travail et la copie du document désignant le représentant de l’entreprise en France.

 

Des vérifications équivalentes sont prévues à l’égard des sous-traitants établis à l’étranger 6.

 

3. Signer un contrat de sous-traitance pour chaque chantier

Il est fortement recommandé de définir dans un contrat écrit les obligations respectives de l’entreprise principale et celles du sous-traitant.

Le contrat devra préciser le nom, l’adresse et la raison sociale du maître d’ouvrage ; la définition des travaux et le lieu d’exécution ; le montant des travaux ; les délais de paiement ; l’application ou non d’une retenue de garantie ; le délai d’exécution ; la date prescrite pour le commencement et l’achèvement des travaux.

 

À noter

La rémunération du sous-traitant doit être fixée en fonction de l’importance objective des travaux ou de la mission à réaliser, sans tenir compte du nombre de salariés utilisés et du nombre d’heures qui seront effectuées, le risque de l’opération devant être assuré par le sous-traitant. Il est conseillé de prévoir une rémunération forfaitaire ou, du moins, un bordereau de prix unitaires.

 

4. Garantir l’indépendance du sous-traitant

Pour rappel , l’entreprise sous-traitante est responsable de la bonne exécution des travaux qui lui sont confiés et doit mettre en œuvre les moyens matériels et humains pour répondre à ses obligations.

De plus, pour caractériser l’indépendance du sous-traitant, il convient également que ce dernier ait plusieurs clients. À défaut, il sera difficile de démontrer qu’il agit véritablement en toute indépendance.

 

5. Fournir au sous-traitant les documents relatifs à la coordination sécurité et protection de la santé, et veiller à ce qu’il transmette son propre PPSPS au coordonnateur.

 

6. Définir précisément dans le contrat les travaux confiés au sous-traitant (descriptif, plan…), le prix forfaitaire et le délai d’exécution correspondants.

 

7. Payer le sous-traitant aux échéances prévues en fonction des situations de travaux.

 

8. Constater le retard du sous-traitant préjudiciable aux autres intervenants du chantier.

 

Des modèles de contrats sont proposés par la FFB. Contactez votre fédération.

De lourdes sanctions en cas de requalification en contrat de travail ou en prêt de main-d'œuvre illicite…

 

… Pénales

Des sanctions pénales très lourdes peuvent être infligées au responsable de l’entreprise, voire à l’entreprise elle-même, au titre de la responsabilité pénale des personnes morales 7.

 

… Sociales

L’Urssaf peut exiger l’ensemble des cotisations sociales applicables au sous-traitant requalifié comme salarié. Elle peut même procéder à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont l’entreprise principale a bénéficié.

 

… Fiscales

La requalification en contrat de travail peut donner lieu, à l’encontre de l’entreprise principale, à une reprise de la TVA déduite sur la base des travaux payés au sous-traitant, et à un rappel des taxes sur les salaires et de la taxe professionnelle.

 

  1. Cour d’appel d’Angers, 24 octobre 1996, n°95/00562 ; cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle, 17 mars 2011, n°10/00720.
  2. Cour d’appel de Bourges, 30 mai 2002, n° 2002/238.
  3. Cour d’appel de Pau, 23 octobre 2008, n° 08/00375.
  4. Cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle, 29 janvier 2009, n°08/00232.
  5. Prévention du travail illégal dans le BTP. Questions-réponses sur la sécurité juridique des contrats de sous-traitance dans le BTP, janvier 2010.
  6. Le détail des documents à demander aux sous-traitants est précisé dans l’annexe « Travail illégal » jointe au contrat de sous-traitance proposé par la FFB. Vous pouvez la demander à votre fédération départementale.
    Voir également Bâtiment actualité n°19, « Sous-traitance, quelles attestations légales demander ? », 17 novembre 2021.
  7. Le prêt de main-d'œuvre illicite est notamment sanctionné de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (pour les personnes physiques).
    Les personnes morales peuvent se voir infliger une amende de 150 000 €. (art. L 8243-1 et suivants du Code du travail).

Exemples de pratiques à proscrire

  1. L’intervention du sous-traitant sans devis ni contrat préalable.
  2. La relation avec un sous-traitant n’ayant pas d’autre donneur d’ordre.
  3. La fourniture au sous-traitant de l’outillage et des équipements de sécurité. Des conventions de prêt ou de mise à disposition de matériel peuvent être signées avec le sous-traitant. Un modèle est proposé par la FFB. Demandez-le à votre fédération.
  4. L’affichage du logo ou du sigle de l’entreprise sur les vêtements de travail des salariés du sous-traitant.
  5. L’utilisation des véhicules ou du papier à en-tête de l’entreprise par le sous-traitant.
  6. L’organisation de l’emploi du temps du sous-traitant et de ses salariés.
  7. La fourniture d’instructions par l’entreprise principale directement aux salariés du sous-traitant sur le chantier.
  8. Le paiement au sous-traitant sous forme d’heures de travail, de frais de déplacement ou encore d’indemnités en cas de changement d’horaire du chantier.

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